La grande famille au Maroc : saison 2 épisode 1 "Le repérage"
Rabat /Mohamedia / Zaouiat Cheikh / Faryata / Beni Mellal
Awlad Rafaa / Larache / Ksar el Kbir
Arrivée triomphale à l’aéroport de Rabat, super une voiture de location nous attend, youpi ! Vive l’autonomie !!! Norbert prend le volant prudemment. Wouhou on est libre d’aller où on veut, quand on veut, l’aventure commence. Norbert démarre, deux cent mètres plus loin, premier STOP à ‘entrée d’un rond-point, mais pas de ligne blanche au sol. On s’arrête où ? on s’arrête presque complètement. Vingt mètres plus loin, la police nous arrête ! 400 dirhams de contravention ! « Soit vous payez, soit on vous garde votre permis ! » nous dit le policier d’une air… genre… « je vais me les faire » ! C’est le début d’un quart d’heure de négociations torrides. À suivre…
Aziz
Aziz appelle son cousin avec son portable, le cousin appelle le responsable de la police de Casablanca (un ami), le responsable appelle Aziz qui me tend le portable pour que je lui passe le policier, qui chauffe, me demande de payer les 400 dirhams immédiatement. Il a peur de prendre le téléphone… refuse la communication. Je paye ! Que ce serait-il passé si l’ami du cousin lui avait parlé ?
Norbert
Autoroute vers Casablanca. Des camions d’un autre temps, des berlines surpuissantes. Des hommes et des femmes venus de nulle part en rase campagne marchent sur la bande d’arrêt d’urgence, ou attendent, et des voitures arrêtées un peu partout. Nous serons frappés durant tout le voyage par cette abondance de personnes partout, sur le bord des routes, en ville, en campagne le long des chemins, qui marchent, font du stop, attendent un bus, un taxi ou une voiture qui viendra les prendre au passage.
Adam
Enfin, on aperçoit l’océan. Et si on allait manger du poisson grillé sur la plage. On sort à Mohammedia. Parking de sable devant un hôtel restaurant de luxe. On aperçoit le portique de sécurité à l’entrée. Des gars postés sous un figuier assurent une surveillance discrète des véhicules et indiquent les emplacements de stationnement suivant des règles bien précises mais opaques à nos yeux.
Sur la plage, une jeune fille tient son chaton en laisse. Le chaton tremble de tout son corps. La jeune fille dit que c’est son premier chaton. Elle dit qu’elle ne sait pas comment il faut s’y prendre, comment s’en occuper. Elle se demande si c’est bien de l’emmener à la plage. Il est assez légitime pour une jeune fille de s’interroger à ce sujet.
Adam
On repart. Tracé au crayon sur des cartes routières imprimées, notre itinéraire défile. Une lune rousse se lève au-dessus de la route. Elle éclaire vers le sud, vers l’Atlas. Pause-café dans une aire d’autoroute. La station est blanche, propre, vide. A l’intérieur, tout est neuf, très clair, très neuf. Quelques personnages se tiennent là, comme ils le feraient dans une pièce de théâtre contemporain, avec distanciation. Un lieu en décor monté pour notre halte et qui sera démonté suite à notre passage. On y fume à l’intérieur, dans la salle de cafétéria. Il y a des paquets de cigarettes à vendre avec des marques dessus. Une bonne Camel là, ce serait bien pour accompagner le café, juste une, l’envie toujours, à l’esprit, malgré le temps.
Adam
Le voyage s’étire. La guitare est passée du coffre à l’arrière. Commencer à répéter des chansons pour le mariage. Il faut se réorganiser pour les passagers. Le guitariste tout à droite pour jouer, sans avoir à ouvrir la fenêtre pour sortir le manche. Les morceaux sont emballés en quelques kilomètres de nuit, cousus à la clarinette, les chants bien ficelés, dans une trame assez vite tissée.
Adam
Une fois sortis de l’autoroute qui va vers Marrakech, la route roule tout droit dans la nuit, vers l’Atlas qu’on devine. Des choses du Maroc se passent. Tentés par une pause en rase campagne, voilà qu’une meute de chiens attaque la voiture qui a ralenti. Ils sont jaunes dans les phares, on voit leurs gueules ouvertes, leur rage sauvage. Un petit chiot git sur le bord. Rouler tout de même, freiner, accélérer, freiner, rouler. Ça passe, dans une frayeur nocturne inconnue, une stupeur soudaine, saisissante. Plus loin, une silhouette en mouvement traverse la route. Un personnage tient un bâton comme un samouraï. Il exécute une danse moon walk et nous coupe la voie. C’est assez normal, ne pas s’affoler, faire comme si de rien n’était, ça va passer.
Adam
En hauteur les cigognes nous regardent depuis leurs nids, sur le toit de la mosquée, sous l’antenne du pylône électrique, sur tous les points hauts de Zaouiat Cheikh.
Sur le chemin : des ânes, des voitures, des chargements de pintades, d’oignons… des dizaines de petits hanout, deux mètres sur trois ou quatre. Un homme attend là, nuit et jour. Pour vendre des feuilles à rouler à l’unité. Du lait frais, des bonbons, des bricoles du quotidien. Des troupeaux de brebis marchent aussi sur le chemin.
La vie et la mort sont liées, sur un même fil.
La brebis, la pintade et la vache pâturent puis sont tuées par les bouchers du village et découpées dans le restaurant. La viande est fraiche du jour même.
L’eau du restaurant vient de la source, elle vient des glaciers de l’Atlas et sort ici, à Zaouia.
Norbert
Nous roulons vers Larache.
Imad nous suit en taxi bleu, nous sommes en contact via whatsapp et nous partageons notre localisation en live.
Bientôt la mer, on la sent dans l’air.
L’avenue que l’on longe est bordée de villas et de palmiers.
Toujours beaucoup de monde dehors.
Beaucoup de bleu et de blanc sur les murs.
Norbert a un humour au mètre au top niveau.
Les blagues carambar fusent.
Adam
Nous voilà à Larache, accueillis comme des rois par la famille de Mohamed et Nouhaila. La terre est ocre, des montagnes de pigments dessinent les paysages. C’est un tableau vivant ce pays, pas besoin de cartes postales.
Aziz
Vente d’escargots sous un palmier. Un petit garçon les savoure.
Une bouteille en plastique pleine d’essence reliée à un petit moteur à l’avant de la barque nous fait traverser un bout de mer.
Des bateaux plus gros chargés de casiers et de pêcheurs. Ils déballent leur marchandise sur le port. Des rascasses, des langoustines, des crabes, des vives, des dorades, des bonites, à même le sol sur une bâche. Certains bougent encore.
Les murs bleu et blanc dans toute la vieille médina de Larache. C’était un quartier juif, ce sont eux qui on coloré leurs maisons de bleu.
Des rues cavernes d’Ali Baba. Fabricants de sandales. Vendeurs de musc, d’encens, de bâtonnets « brosse à dent » (souak), de cassettes audio, de banquettes de salons…
Des chats, des chats, des chatons.
Norbert
La nuit, le jour du monde, partout
Des marcheurs nocturnes
La vie ne s’arrête pas
Ce soir rencontre avec le gardien du quartier d’Imad, on fume du kiff, on joue aux cartes. À 1h du matin sur le chemin de terre, en pleine campagne, nous croisons deux femmes qui s’affairent, un peu plus loin trois personnes discutent. Chevaux, chiens, aboiements, puis on entre dans la cour de la maison : un petit havre de paix. Entre l’intérieur et l’extérieur.
Norbert
Sous un arbre une femme garde quelques brebis. Elle porte un des ces chapeaux de paille et de tissu qu’elles mettent toutes à la campagne pour se protéger du soleil. Un homme labour un champ en tracteur et des sortes de hérons le suivent en rang pour dénicher des vers. On mange des mûres blanches et violettes cueillis sur le murier platane qui borde l’enceinte de la maison.
Le matin nous prenons le petit déjeuner dans la cour bétonnée, à l’ombre du figuier.
Les chemins sont de sable ocre, chaud et velouté, bordés de grandes haies de figuiers de barbarie, des gros cactus. Les gens travaillent dans les champs, gardent du bétail, marchent le long de la route. Nous dormons d’un sommeil de plomb la nuit, les seuls bruits qui nous parviennent sont les cris des chiens, des ânes, des moutons et des oiseaux.
Manon
La vie est colorée, autant dans les maisons que dans les villes… Les tapis sont bariolés, ornés de motifs floreaux, de rosaces et d’arabesques. Les murs sont colorés, avec des carreaux mosaïques, des enduits de couleur, à l’intérieur et à l’extérieur : les maisons sont roses, bleues, blanches. Les banquettes sont rouges et or. Les tables recouvertes de nappes en plastique colorées. Les femmes mélangent les tissus imprimés invraisemblables, allant de hello kitty, aux tissus plus traditionnels. Le sable est rouge ou ocre. Le printemps fait les feuilles et l’herbe bien grasses, d’un vert profond. ..
Manon
Chez Imad, sous le figuier, un bel ombrage nous offre sa fraicheur pendant que nous déjeunons. Sur une table basse, du thé, des crêpes à mille trous, du jus de fruits (fraises, betteraves, kiwi…) de couleur vive, nous invitent au festin des saveurs. Les ombres des feuilles dansent sur la nappe et le sol. Le corps se réveille dans cette douce et tranquille atmosphère. J -1 avant notre retour en France, j’ai l’impression pourtant que ce pays ne me quitte jamais.
Aziz
Ici les opposés se rejoignent, se complètent, se juxtaposent. La vérité éclate, elle n’est pas cachée : la vie est dingue. À côté de la « vache qui rit », l’huile d’olive pure, le cheval est libre, de l’herbe à foison, aucune clôture, ses deux pattes avant sont attachées entre elles. Pas d’asiles pour les handicapés mentaux, de centres pour les toxicos, de maisons fermées pour les retraités. La vérité éclate encore : les fous sont partout.
Norbert
Insultes marocaines
Dkhol souk rosk = va faire les courses dans la magasin de ta tête
Dia fijika darak = occupe-toi de ton côté pourri
« On revient dans une demi heure »
Ça l’a fait rire
« - une demi heure, une heure, ce soir, demain, quand vous voulez, c’est pareil ! »
Tout peut arriver en permanence. Chacun prend le temps de la rencontre, d’abord on s’assoit, à l’ombre, on prend le thé, après seulement on discute.
Des animaux de partout ! Une cigogne traverse le ciel, une tortue traverse la rue, un cheval est renversé en bord de route, une poule se promène, une hirondelle est posée à un mètre de nous. La voisine a trois vaches, elle fait son beurre et le petit lait (elben). Une chèvre vient juste d’accoucher, chez une autre voisine, il y a encore du sang sur elle et sur l’agneau.
Pourquoi rêvent-ils tous d’aller en France ? Les maisons sont belles, les relations sont fraternelles, la qualité de vie est tellement meilleure ici…
Norbert
À Ksar el Kbir : shopping is shopping !
Imad est un tigre, aussi dur en affaires que doux en amitié.
Deux djelaba d’hiver pour 45€, des dattes, des épices en pagaille pour 6€, un ballon de foot pour les enfants à 2€, du musc, des jus de canne, de la pâte de pois chiches, de la semoule au lait… Shopping is shopping. On ne s’arrête plus. Damien, perdu au fond d’un sac de piment, c’est l’euphorie, je prend un souek (pour se laver les dents), puis Aziz en prend un, puis j’en reprends trois. Tout le souk, toute la ville, vibre au rythme de Barcelone/Madrid. Deux buts partout. Sur les télés, ceux qui l’ont pas la télé ont la radio, ceux qui n’ont pas la radio sur leur téléphone portable…
Norbert