Le Roadtrip Orchestra à la Maison d'arrêt de Luynes
Lundi 12 et 19 décembre 2022
La Grande Famille en prison !
Un nyckelharpa, des chants polyphoniques, Jean Philippe avec "Armstrong" (et Akhenaton), Daniel l'auteur du tube "Les enfants des quartiers Nord" (si! si ! il était lààà !!), Daniel encore avec sa paille Mac Donald qui joue de la clarinette, Jean-Pierre le bon Patou, Manon la célèbre joueuse de ukulélé basse, Norbert, David, Élise, une guitare, un djembé, des flûtes, un clavier vintage etc. L'armada de La Grande Famille a fait son entrée au centre de détention Luynes 1, puis Luynes 2 la semaine suivante. Des bénévoles de la prison nous y ont fait pénétrer.
Avant que les nombreuses portes de fer ne s'ouvrent, les bénévoles nous ont prévenus : "Faut être souple! Tout peut arriver ici". En effet, le premier lundi nous avons poireauté 1h30 dans la salle de spectacle avant de voir l'ombre d'un détenu, un atelier avait pris feu et il nous a fallu attendre les pompiers. Le lundi suivant les détenus qui s'étaient inscrits pour nous voir ont finalement été emmenés "en promenade" du fait d'une erreur d'organisation interne, mais d'autres prisonniers sont finalement venus nous rejoindre au bout d'un moment...
La prison, pour moi, c'est comme les hôpitaux français, les maisons de retraites ou les préfectures ; tu attends des plombes que quelqu'un ouvre la porte, signe le papier. Il y a des règles en pagaille, des protocoles compliqués et pas assez de personnes pour que les choses se passent comme prévu.
Par contre on a tous été saisis par la sympathie des gardiens et du personnel qu'on a rencontré. On dirait qu'il n'y a que des pauvres gens ici. Chacun s'adapte à cet environnement absurde, tente d'y faire ce qu'il a à y faire.
Loin des images des séries américaines avec une distance froide entre les personnes et une discipline au cordeau dans des bâtiments ultra sophistiqués. Là, on est dans quelque chose d'archaïque. Chacun voit bien le manque de sens d'enfermer 1740 personnes (entre Luynes 1 et Luynes 2) en ne les laissant sortir pour des activités que quelques heures par jour. Le reste du temps les hommes (il n'y a que des hommes) attendent, seuls, à deux ou à trois par chambre ; avec une fenêtre dont les jours sont trop étroits pour regarder longtemps au travers sans s'abimer les yeux.
Bref, à l'intérieur, chacun est témoin impuissant de cette supercherie... Un centre de détention c'est un lieu d'attente, un non-lieu plutôt, comme un hall de gare mais où aucun train ne passe jamais.
Comment penser qu'en restant 10 ou 20 ans dans un un endroit pareil un être humain puisse évoluer ? Pour cheminer, il faut des chemins. Là il y en a pas, c'est tout fermé.
Alors nous, on a fait nos petites chansons et à 17 heures, on est rentrés chez nous. Contents mais perplexes. Les détenus étaient vachement touchés qu'on vienne leur rendre visite alors ça valait le coup.
"Le malheur est une autre planète; et nous devrions bien la découvrir un jour" comme chantait Anne Sylvestre.
Norbert
Norbert