Une nuit à Marseille, dans un foyer de SDF
Je voulais vivre cette expérience, ressentir ce que ressentent les sans-abris de Marseille. Dans l’idéee de pouvoir, à terme, trouver comment La Grande Famille pourrait tisser du lien dans cet endroit sordide appelé « foyer ». Vittorio était partant, nous y sommes allés ensemble.
Arrivés à 17h à La Madrague, le gardien de l’entrée nous explique qu’il nous faudra joindre « Le 115 » par téléphone pour passer la nuit à l’abri. Seul « Le 115 » peut attribuer des places. Nous appelons toutes les 10 minutes: "-toutes les lignes sont actuellement occupées". Un type acueilli nous explique « -le 115, c’est très dur moralement, des fois il faut appeler toute la journée pour que quelqu’un décroche » . Par chance Akim (le gardien) enfreint la règle en nous laissant rentrer manger au chaud « -prenez votre temps pour manger, jusqu’à ce que vous ayez eu Le 115 ». Nous sortons un jeu d’échec, plusieurs personnes, amusées viennent regarder la partie, donner leur avis sur les coups à jouer. Normalement on ne joue pas dans le réfectoire mais nous créons l’exception.
A 20h30, enfin, "Le 115" décroche le téléphone pour nous informer que 310 personnes sont présentent ce soir à la Madrague pour y dormir. C’est complet ! Une navette du SAMU social vient nous chercher. Deux types nous emmènent dans des locaux désafectés ouverts spécialement, en effet avec le froid il y a eu une 10aine de morts en France cet hiver.
Nous sommes dans un ancien bâtiment de la DDE. Abdel nous accueil, très prévenant lui aussi. Les locaux sont vides, les toilettes déguelasses, pas de douches ici. La télé est allumée, monopolisant toute discussion. Elle comble le vide mais rend le silence et la solitude encore plus pesants. Pourtant il y a de la gentillesse, de la prévenance chez nos acolytes, de l’envie d’échanger aussi mais les idées ne sont pas claires, la fatigue, le corps usé, l’ambiance de l’endroit est peu propice à la rigolade, les yeux sont éteints. Parmi les gars accueillis, il y a toutes les couleurs de peau, toutes les langues, toutes les allures. Quel gâchis ! Certains sortent de prison, une fois libre le peu de famille qu’ils avaient a disparu, personne pour leur louer une piaule, personne pour les embaucher. Le foyer est la suite logique de la prison.
Nous sommes 5 dans la chambre, nos 3 colocs viennent du Nigeria, ce qui est dur ce sont les lits qui couinent toutes la nuit, chacun de nous 5 fait des efforts pour ne pas réveiller les autres quand il se retourne, la barre en fer dans le dos est gênante aussi (ce sont des lits de camps très spartiates). Reveil à 6h30, p’tit dèj avec un café imbuvablepuis puis sortie à 7h30 au plus tard. Pour quoi faire ? Pourquoi ajouter de la fatigue ?
Bien sur, on peut penser « faudrait plus de moyens, plus de lits, plus de confort ». Je me dis surtout que ces types sont désespérement seuls. S’ils avaient un seul ami, ils ne seraient pas là, c’est ça qui est grave. Sur les 860 000 marseillais, pas un n’a envie de passer la soirée avec eux ce soir.
Pour revoir ces personnes, il faudrait aller dans un acueil de jour (l’ADJ Marceau ?) la prochaine fois. Peut être qu’en journée nous pourrions échanger plus facilement, jouer aux échecs ? partager un café ? faire une partie de cartes ?
Norbert